Blurry Muddle
Alix Martineau
La morale appliquée aux personnages de Forfaiture (Cecile B. DeMille, 1915) - 2013
Forfaiture met en scène une société américaine WASP (White Aglo-Saxon Protestant) conservatrice et puritaine. La figure du bourgeois est représentée de façon futile par le personnage d’Edith Hardy, qui joue en bourse les fonds de l’œuvre caritative dont elle est la trésorière. Les habits d’Edith témoignent de sa richesse, et ses actions montrent son amour pour l’argent ; or le désir de l’argent est condamné par une morale américaine chrétienne et puritaine. Elle est donc punie par la perte de tout son argent en bourse, et par le mystérieux personnage d’Arakau qui accepte de le donner l’argent à condition qu’elle s’offre à lui. Il la marquera de son étrange sceau, faisant d’elle son objet personnel. C’est aussi une punition pour sa tentation, car la tentation est ce qui a causé le pêché originel.
Arakau est un personnage joué par le japonais Sessue Hayakawa, qui apporte un certain exotisme au film concentré sur la société WASP américaine. C’est un être ambigu, le jeu d’ombres et de lumière renforce son ambiguïté. Le clair-obscur prend une grande importance dans l’éclairage du personnage, il existe également un jeu d’ombres à travers la cloison de son bureau qui est peut-être une référence au théâtre d’ombre japonais. Il est le symbole de l’exotisme mais aussi de la pulsion bestiale, qui le rend dangereux et immoral. Il symbolise l’Orient et donc la fascination, la tentation ; il est le serpent du jardin d’Eden. Il est donc puni à son tour : Edith lui tire dessus. La sexualité est condamnée, au même titre que le désir de l’argent, dans une Amérique puritaine.
La figure de pureté semble être le personnage du mari d’Edith : Richard Hardy. C’est certes un riche bourgeois, mais il gagne son argent en travaillant, ce qui est une vertu. Il aime sa femme, lui offre des cadeaux, mais il va plus loin encore : il s’accuse à sa place quand la police arrive sur les lieux du coup de feu, chez Arakau. Mais il est coupable de complicité et de parjure au tribunal. Cependant, ce n’est pas l’institution de la Justice qui est appliquée dans ce film, ce sont les lois morales chrétiennes.
Le procès est une scène essentielle du cinéma américain. C’est la scène finale de Forfaiture, elle joue un rôle de rééquilibrage social. La vérité éclate : Edith révèle la marque d’Arakau dans son cou, et déclare lui avoir tiré dessus. Alors que son mari risquait une punition, elle, n’est pas punie. C’est Arakau qui sera hué par l’audience et tout se termine bien pour les deux époux. Cette scène du procès est une scène de catharsis, et également d’absolution des pêchés. Arakau est le serpent, la cause de tous les pêchés, et ne peut par conséquent pas être absolu. Il est écarté de la société WASP qui retrouve un équilibre : Richard regagne sa femme qui s’était égarée du droit chemin.
La philosophie, la morale chrétienne, est celle qui s’applique aux personnages de Forfaiture. Peut-être peut-on établir un lien entre cette histoire et celle du jardin d’Eden : la femme est celle qui pêche, l’homme reste dans le droit chemin. Cependant, les pêchés de la femme sont absolus, car la religion chrétienne est une religion du pardon. Cecil B. DeMille sort ce film en 1915, la morale chrétienne omniprésente peut être mise en relation avec ses films futurs : ses peplums sur l’Ancien Testament, mais aussi les deux versions des Dix Commandements de 1923 et 1956.
Ils sont loin les John Wayne et Ford, et pourtant, le dernier Tarantino est bien rangé dans la catégorie western. C’est un western moderne, revisité, voire cassé. Les cow-boys sont des salopards, dépeints de manière à les désacraliser. Sans chevaux et affublés d’un humour à répétition malgré eux, ils sont ridiculisés. Le spectateur assiste à leurs galères, comme celle de clouer la porte à chaque fois qu’ils entrent dans l’auberge (avec deux planches !).
Ce sont des cow-boys déchus, privés de leur milieu naturel, le désert. Le travelling du début met en exergue ce désert blanc, le « white hell » qui leur échappe. C’est aussi une dénonciation du monde impitoyable dans lequel nous vivons aujourd’hui, qui reste malgré tout encore dominé par l’homme blanc. Du moins, c’est ce que l’homme blanc aime à penser. Car ce qui domine réellement dans le film est la Nature. C’est la Nature avec un grand N qui réduit ces cow-boys à des clowns en les enfermant dans cette auberge.
La Passion du Christ en premier plan au début illustre ce monde de souffrances, d’injustices. Mais après la Passion vient la résurrection. La question que pose le film serait alors la suivante : y a-t-il de l’espoir ?
Le huis clos peut être perçu comme une analogie du monde. Face à la Nature intransigeante, sauront-ils cohabiter ? Mais ce Jardin d’Eden est vite transformé en boucherie par les hommes. Eh, on ne va pas voir un Tarantino si on n’est pas prêts à croquer la pomme !
La dynamique du film passe par la dualité. Les hommes en effet sont des êtres grégaires et belliqueux, qui ne savent évoluer sans former des alliances ou s’opposer. Ils se haïssent, se méfient, et pourtant sont condamnés à vivre ensemble. Les rapports de force constamment renversés à travers tout le film, ce qui crée une tension en crescendo. A chaque introduction d’un nouveau personnage, la situation devient de plus en plus instable. La pression est aussi accentuée par les prises de vue vertigineuses (plongées à 90° sur les personnages mis en position de faiblesse lorsqu’ils arrivent à l’auberge car ils ne savent rien de ce qui les attend).
La première division des humains se fait par le genre : homme ou femme. Ici enchaînés ensemble (Domergue et Ruth), ils sont condamnés à se supporter malgré leurs différences. La femme, considérée comme un être fragile et innocent, ne doit pas être traité par les hommes de la même façon que les autres hommes. Ainsi, pour pouvoir frapper Daisy, elle est destituée de son statut féminin. Elle le retrouve parfois, et Ruth en est malgré lui charmé.
La femme parle peu, et quand elle parle, elle passe pour une idiote. Mais elle reste mystérieuse. Seulement, la femme est aussi celle qui triomphe, qui a des hommes sous ses ordres, risquant leur vie pour la sauver.
Le noir et le blanc s’opposent aussi, et tentent vainement de cohabiter. Pendant le dialogue entre Warren et Smithers, les plans alternés des personnages avec les touches de piano dont joue Bob constituent presque un effet koulechov qui implique cette incapacité à s’entendre.
Bien que les deux hommes parlent au départ en tentant de trouver un terrain d’entente, le rapport de force existe toujours. En effet, le champ-contre-champ offre un plan frontal de Smithers, mais un plan en contre-plongée de Warren. Smithers est honnête dans la conversation, se résignant à engager un dialogue avec le « nègre ». Mais le secret de Warren, qu’il utilisera contre Smithers lui donne cet aval.
Pendant ce temps, Bob tente maladroitement de faire fonctionner les touches noires et blanches ensemble sur son piano afin de créer une musique harmonieuse, en vain. Même sur un piano, les touches noires et les touches blanches ne font que cohabiter, elles ne se mélangent pas : les noires en haut, les blanches en bas, à la manière du rapport de force dans la scène.
Ces dissonances entraînent la mort de Smithers, qui n’avait pas la main dans la scène. La fermeture du piano suggère le triomphe d’une vision manichéenne.
Une autre des majeures divisions de ce film est entre les Américains du Sud et ceux du Nord, puisque le film a lieu juste après la guerre de Sécession. Les personnages du Nord (Warren et Ruth) s’allient contre ceux du Sud (Domergue, Mannix et Smithers). Plus qu’une division spatiale, c’est une division idéologique. La guerre est finie mais le schiste est bien présent. La haine est constamment présente entre les deux « camps ».
La méfiance et la tension présentes durant tout le film entraînent donc naturellement la xénophobie. Les Américains, malgré leurs différences, s’allient contre les Mexicains, contre lesquels la discrimination est très forte dans le film. Sur la pancarte de Minnie, on pouvait lire selon Warren « interdit aux chiens et aux Mexicains ». L’étranger est donc animalisé. Pire, il est même un sous animal puisque si Minnie a enlevé cette pancarte, c’est qu’elle a autorisé les chiens.
Par ailleurs, le nom Domergue est prononcé à l’anglaise durant tout le film, même après la révélation de sa réelle prononciation mexicaine. Alors même qu’elle va être tuée, Daisy voit son nom consciencieusement mal prononcé par Chris Mannix, d’un cynisme absolu.
Mais les divisions et alliances n’interviennent pas seulement entre les personnages du film. Le spectateur et le réalisateur d’aiment et se fuient.
Il existe une connivence d’entrée entre les deux : « Tarantino’s 8th movie », est écrit en toutes lettres pendant le générique. Le réalisateur s’est construit un univers propre, attendu du spectateur. Il fait partie du film. A la Hitchcock, il a pris l’habitude de faire des apparitions durant ses films, l’audience est donc à l’affût…
Mais après avoir respecté ses règles habituelles comme celles du récit découpé en chapitres ou des jurons continus, Tarantino surprend son audience. Il n’apparaît dans le film qu’en voix off, rompant par la même occasion le cours de l’histoire, trimballant son spectateur dans la time line, le forçant à revoir des plans déjà vus, lui expliquant de façon presque condescendante (mais drôle !) le titre du chapitre « Domergue has a secret ». Il démontre sa toute-puissance, sa démiurgie. Il est le maître du temps et établit clairement ce rapport de force en utilisant le hors-champ. La genèse de l’histoire est hors-champ pendant presque tout le film, tout comme le Mexicain Joddy, interdisant ainsi au spectateur de comprendre l’intrigue jusqu’à ce que Tarantino l’y autorise. La destination des personnages, Red Rock, reste aussi en hors-champ jusqu’au bout.
Cette voix off est aussi une manière de ramener le spectateur un peu à la réalité, de le soulager de la tension accumulée, tout en lui rappelant son statut passif, impuissant face au film qui se déroule devant ses yeux. Il nous tient en haleine jusqu’au bout, nous qui attendons le bain de sang habituel qui ne sera ici qu’un grand final.
La seule chose que Tarantino laisse au spectateur, c’est le pouvoir de douter. S’il existe une chose qui rassemble les 8 salopards c’est bien le mensonge. Les personnages se méfient les uns des autres, mais le spectateur se méfie aussi de chacun d’entre eux. Et cela n’est pas naturel dans un film. En effet, un film est une fiction par définition. Le spectateur sait donc qu’il va assister à un mensonge. Mais par bonne foi, il prétend que ce qui lui est dit est vrai. Tarantino déstabilise donc le spectateur, lui interdisant de croire ce qui lui est affirmé jusqu’à l’identité-même des personnages. Ils ont plusieurs appellations : John Ruth est aussi « The Hangman », Warren est appelé « Dear Marquis » par Lincoln, mais « nègre » par la plupart des personnages dans le film. Chris Mannix est pour Warren un « fils de renégat », pour Smithers le fils d’un homme admiré et déterminé, et pour Mannix lui-même, il est le nouveau shérif de Red Rock. Mais il n’arrive pas à imposer cette identité aux autres, ni tout à fait au spectateur qui, doutant de tous, ne peut s’empêcher de douter de lui aussi, même si ses dires ne sont jamais démentis. Enfin les 4 passagers ont tous un nom autre que le leur puisqu’ils se font passer pour d’autres personnes. Les personnages se connaissent tous, par réputation, mais aussi de façon fragmentaire. Par exemple Ruth connaît Warren comme l’homme à la lettre de Lincoln, mais lorsqu’ils rencontrent Mannix, ce dernier lui apprend que Warren a aussi tué des hommes de son camp dans la guerre et qu’il a par conséquent été destitué.
L’homme est en somme dépeint par Tarantino comme un être ayant de multiples facettes, capable de s’allier et de s’opposer à ses semblables. Pour s’allier, l’homme doit aller au-delà des divisions (par exemple quand Warren et Mannix s’allient en temps qu’Américains face aux Mexicains criminels, ils passent au-dessus de leurs différences d’origine et de couleur de peau).
Si les hommes doivent être solidaires face à la Nature intransigeante, il semble que la nature humaine soit bien plus dangereuse. Car en s’alliant pour mieux s’opposer, les hommes s’entretuent, loin du blizzard qui apparaissait comme le principal ennemi au départ. La mort est la seule chose qui rassemble totalement les hommes. Ici, pas de résurrection, pas d’espoir possible, pas d’élévation sublime pour des salopards.
La dualité dans les 8 Salopards de Tarantino - 2016
Les trois enterrements de Melquiades Estrada ponctuent les différents rythmes de récit. Le deuxième enterrement marque le début de récits croisés, le premier, paradoxalement expliqué plus tard que le second, souligne le début d’une histoire continue et le troisième dévoile la visée narrative du film : la recherche d’une identité.
Le début de ce film à la structure narrative originale, raconte plusieurs histoires: celle de l’amitié entre Melquiades et Peter Perkins, celle de l’arrivée du policier des frontières, Mike, et sa femme au Texas, leurs relations, et celle de l’enquête de Perkins sur la mort de Melquiades. C’est ce dernier récit qui se situe dans la temporalité présente. Les deux autres sont des analepses, des flashes back. Il est difficile de différencier au départ les flashes back de l’histoire présente. Les gros plans longs sur Perkins annoncent cependant le passage du présent aux souvenirs de sa relation avec Melquiades. Ces récits kaléidoscopiques peuvent, de prime abord, troubler le spectateur.
Cependant, ils se rejoignent finalement lors du premier rebondissement : la séquence de la mort de Melquiades, tué par Mike. Le spectateur comprend alors l’intérêt de raconter toutes ces histoires simultanément. Le fil narratif devient soudainement fluide et continu, chronologique. Commence alors le récit d’un voyage à travers le Mexique à la recherche de la famille et du village de Melquiades, voyage initiatique pour Mike qui apprend beaucoup de l’expérience, la sagesse (ou folie) et la dureté de Perkins. Ce voyage d’apprentissage parsemé d’embûches et de rencontres permet à un personnage moyen, bas, de devenir sublime, de s’élever. Certains plans en contreplongée en sont le symbole. Il regarde vers Peter, son mentor.
Un deuxième rebondissement survient vers la fin du film, ce qui le rend d’autant plus surprenant. La photo de Melquiades est truquée, ce n’est pas sa famille qui y est représentée, et son village semble ne pas exister. Le voyage initiatique de Mike est alors réduit à une absurdité, une inutilité totale. En apprenant le sens des valeurs, il est confronté au pêché du mensonge de celui qu’il a tué. Mais Perkins continue de croire et recherche désespérément le village. C’est un village en ruines qu’ils découvrent, où ils enterrent Melquiades pour la troisième fois.
Le mensonge de Melquiades reflète en fait une recherche d’identité, d’acceptation par l’autre. Lorsqu’il rencontre Perkins pour la première fois, il se définit comme un simple cow-boy. Le surcadrage du plan le met à l’écart des autres mexicains. Il a besoin d’une identité pour s’intégrer, il se la crée car elle lui ressemble, bien qu’elle ne lui appartienne pas. Le lieu d’où il vient n’est pas forcément le lieu d’où il se sent originaire. Les personnages de ce film finissent par trouver leur identité, par se trouver eux-mêmes grâce à l’histoire de Melquiades. Le policier s’élève et trouve l’humilité de demander pardon, sa femme parvient enfin à quitter ce qu’elle se forçait à aimer, et Perkins reste dans son Mexique natal.
Récit et structure du récit dans Trois enterrements (Tommy Lee Jones,2005)- 2014
La prise de vue dans 9 mois ferme (Albert Dupontel, 2013) - 2013
Ariane (Sandrine Kiberlain) est une jeune juge, une « femme intelligente », par conséquent célibataire et bourreau de travail, qui découvre sa grossesse à quatre mois du terme. Cela lui semble impossible, mais elle découvre que le soir du Nouvel an, l’alcool l’a rendue ingérable. Le père s’avère n’être autre que le criminel Bob Nolan (Albert Dupontel), accusé de multiples cambriolages et de « globophagie ». Pour la juge coincée, c’est l’enfer, mais elle va confronter Bob et même le cacher alors qu’il s’est évadé de prison.
9 mois ferme est un film à l’histoire excentrique, à l’humour extravagant, illustré par des prises de vue du même type. Les plans sont souvent cadrés de travers, ce qui souligne l’étrangeté et le décalage. Ces cadrages rappellent un autre film d’Albert Dupontel de 1996 : Bernie. Lorsque Bernie Noël se filme, il est souvent hors-champ, ou sur le côté du cadre, témoignage de sa marginalité. Comme Bernie, Bob est « taré et débile ». La caméra filme à partir d’endroits surprenants, de derrière une étagère par exemple, avec des objets parasites dans le champ, ou on filme la scène dans un miroir cassé.
On observe aussi de nombreuses contreplongées ainsi que des déformations du corps de certains personnages. L’exemple le plus flagrant est celui du policier, dont le visage est déformé par l’œil de bœuf, ce qui accentue son ridicule et son grotesque. Il est rendu différent des autres personnages. Ces autres personnages apparaissent comme marginaux mais sont la normalité du film, le policier un peu stéréotypé faisant son travail est donc considéré comme un être décalé alors qu’il semble le plus normal.
Des thèmes semblent récurrents dans les images. Par exemple, on voit à l’écran de nombreux cognements. Le collègue d’Ariane est cogné dès qu’il est sur l’image, comme un comique de répétition. Ariane se cogne également contre la porte, le miroir… C’est une histoire de chocs consécutifs, émotionnels comme visuels, qui s’enchaînent à partir de l’image choquante et brutale du bébé lors de l’échographie d’Ariane.
Un autre thème récurrent à l’image est l’œil, comme une solution aux chocs qui se transforment en révélations. Tout d’abord, Bob est accusé d’avoir mangé les yeux du vieillard qu’il cambriolait, l’ombre filmée de son présumé acte est évocatrice. Le terme inventé « globophage » revient à de nombreuses reprises. On découvre pourtant que Bob n’est pas coupable. Mais l’œil est aussi visible par le trou des serrures, au lieu de regarder ce que l’œil voit, le spectateur assiste au spectacle de l’œil. L’œil est aussi l’œil de la caméra de surveillance, qui met en lumière de façon également très évocatrice les actes d’Ariane la nuit du Nouvel an. L’échographie est une forme d’œil également, la vérité éclate. L’œil du spectateur est aussi amené à voir des éléments fictifs de la fiction, comme les hypothèses abracadabrantes de Bob pour s’innocenter du crime. Il parle d’un « accident », le spectateur est alors emmené dans la fiction de la fiction pour assister au découpage du vieillard avec des couteaux de cuisine volants et au mixeur lui mixant les yeux.
Le rouge est la couleur prédominante, dans la lumière teintée, les costumes, les objets, jusqu’aux tatouages de Bob Nolan… Au-delà de sa symbolique habituelle du sang et de la violence, clairement exprimées dans le film, le rouge a ici pour symbole une vision manichéenne du monde. L’affiche du film est d’ailleurs noire et rouge. C’est la couleur du code civil, du tampon « MISE EN EXAMEN » qu’Ariane applique partout, la couleur de la justice qui est le centre de sa vie, et la seule chose à travers laquelle elle voit. Seulement, elle va apprendre que le monde n’est pas tout noir ou tout rouge, d’abord lorsqu’elle se rend compte qu’elle aussi est capable d’erreurs, comme lors de la nuit du Nouvel an. Ensuite, elle accepte de lire le dossier de Bob, pour éventuellement l’innocenter. Elle s’empare alors de surligneurs de nombreuses couleurs différentes. Au début, Bob est habillé d’un tee-shirt rouge, il n’est qu’une vulgaire mise en examen. Mais ce rouge disparaît au fur et à mesure, remplacé par un tee-shirt noir ou recouvert par une veste en cuir noire quand Bob décide de quitter l’appartement d’Ariane. Le noir de la toge de juge d’Ariane va être aussi recouvert par du rouge quand elle revêt sa robe de cour d’appel. Le monde n’est plus absolument manichéen. Ariane s’ouvre et va même jusqu’à accepter le prénom « Steeve » que Bob lui propose.